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Retenue à la source sur le salaire d’un dirigeant étranger :

la résidence fiscale au sens de l’article 4 B l’emporte sur les clauses des conventions fiscales. CE 5 février 2024 n° 469771 : les salaires versés à une personne qui exerce en France une activité professionnelle et a, de ce fait, son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du CGI n’ont pas à être soumis à l’application de la retenue à la source de l’article 182 A du CGI.

Dans cette affaire, le litige portait sur les modalités d’imposition des salaires versées par une filiale d’une société d’assurance à son dirigeant de nationalité suisse. La société avait fait application de la retenue à la source de l’article 182 A, applicable aux salaires de source française versés à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliés en France, au prorata du temps de travail effectué sur le sol français. Dans le cadre d’un contrôle, l’administration fiscale a estimé que la totalité de la rémunération allouée au dirigeant devait être soumise à cette retenue à la source, et le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, puis la CAA de Versailles lui ont donné raison, en se fondant sur la jurisprudence du Conseil d’Etat qui juge que les salaires versés à  l’occasion ou en contrepartie d’une activité professionnelle exercée en France à un salarié qui n’y est pas fiscalement domicilié sont soumis à la retenue à la source (CE 10 août 2007 Sté USG France, n° 292577).

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat a en premier lieu écarté le moyen tiré de ce que le dirigeant, qui effectuait de fréquent déplacements à l’étranger, pour partie liés à sa résidence en Suisse, ne pouvait être regardé comme ayant exercé son activité professionnelle en France. Il juge que sauf circonstances particulières, le dirigeant d’une société implantée en France doit être regardé comme y exerçant ses fonctions de mandataires social, quand bien même il se déplace à l’étranger pour conclure des contrats avec les clients et les fournisseurs de celle-ci. Le juge de cassation n’a pas davantage été sensible à l’argumentation selon laquelle, faute de définition dans la convention fiscale franco-suisse du lieu d’exercice d’une activité, la cour aurait dû se référer aux commentaires du modèle de l’OCDE.

En effet, le juge d’appel n’a pas commis d’erreur d’interprétation des clauses conventionnelles en se bornant à constater que les stipulations du 1 de l’article 17 de la convention fiscale franco-helvétique avaient pour objet de répartir le pouvoir d’imposer entre les Etats contractants en définissant une mécanique reposant sur l’attribution du pouvoir de taxer les salaires à l’Etat de la résidence du salarié, à moins que l’intéressé n’exerce l’emploi dans l’autre Etat, auquel cas cet Etat acquière lui aussi le pouvoir d’imposer, à charge pour l’Etat de la résidence d’éliminer la double imposition qui en résulte. Comme on peut le constater, ces dispositions, qui ont pour seul objet la répartition du pouvoir d’imposer entre les deux Etats, ne permettent pas d’envisager une « proratisation » de ce droit en fonction de la durée d’exercice de l’activité dans chacun des deux pays. 

Le Conseil d’Etat a en revanche soulevé d’office un moyen d’ordre public tiré de la méconnaissance du champ d’application de la retenue à la source de l’article 182 A : dès lors que le dirigeant de la société remplissait, de par l’activité exercée sur le sol français, les conditions permettant de le regarder comme résident fiscal au sens de l’article 4 B du CGI, il devait être imposé à l’impôt sur le revenu selon les conditions de droit commun. La seule circonstance qu’il pouvait également être regardé comme résident fiscal de Suisse était sans incidence aucune sur les modalités selon lesquelles il devait être imposé en France.

Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.

Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.

(…) 2. Aux termes de l’article 4 A du code général des impôts : « Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ». Aux termes de son article 4 B : « 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire (…) ». Aux termes de l’article 182 A du même code : « A l’exception des salaires entrant dans le champ d’application de l’article 182 A bis, les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de source française, servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France donnent lieu à l’application d’une retenue à la source. ». Il résulte de ces dispositions qu’une personne qui exerce en France une activité professionnelle à titre non accessoire a, de ce fait, son domicile fiscal en France au sens des dispositions de l’article 4 B du code général des impôts et que les salaires qui lui sont versés à ce titre ne peuvent, par suite, donner lieu à l’application de la retenue à la source prévue par les dispositions précitées de l’article 182 A du même code, la circonstance que l’intéressé puisse être regardé, en application des stipulations d’une convention fiscale conclue avec un autre Etat, comme résident de cet autre Etat et non comme résident de France étant dépourvue d’incidence à cet égard.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, en sa qualité de directeur général de la société française B, fonctions exercées à temps complet et comportant des responsabilités de direction, d’encadrement et de supervision de nombreuses filiales, exerçait en France une activité professionnelle non accessoire, alors même qu’il effectuait des déplacements professionnels à l’étranger et qu’il travaillait occasionnellement à distance, pour convenance personnelle, depuis la Suisse où résidait sa famille. En s’abstenant de relever d’office que l’intéressé était, de ce fait, fiscalement domicilié en France au sens du droit français et que les rémunérations de nature salariale qu’il percevait à raison de ce mandat social ne pouvaient dès lors être soumises à la retenue à la source de l’article 182 A du code général des impôts, la cour administrative d’appel de Versailles a méconnu le champ d’application de la loi. Par suite, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte de l’instruction, ainsi qu’il a été dit au point 3, que M. A exerçait en France une activité professionnelle à titre non accessoire, de sorte qu’il avait son domicile fiscal en France au sens des dispositions de l’article 4 B du code général des impôts. Par suite, sans qu’il y ait lieu de faire application des stipulations de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales, la société B. ne pouvait être soumise à la retenue à la source de l’article 182 A du code général des impôts à raison des rémunérations de nature salariale qu’elle versait à l’intéressé. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les moyens de son appel, la société B. (…) est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement qu’elle attaque, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de retenue à la source en litige (…) ».







 

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