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TVA sur la location de locaux nus : précisions sur la date d’effet de l’option

CE, 21 décembre 2023, n° 474042, SAS François Perrino Holding : l’option pour l’assujettissement à la TVA de la location de locaux nus ne peut pas produire d’effets rétroactifs

Si les locations de locaux nues sont en principe exonérées de TVA en vertu de l’article 261 D du CGI, elles peuvent toutefois, sur option, y être soumises lorsque le preneur est lui-même assujetti à la taxe ou, à défaut, lorsque le bail fait mention de l’option (art. 260 du CGI).

Lorsque l’entreprise décide d’exercer cette option, se pose la question de sa date d’effet, qui jusqu’alors n’avait pas été précisée par la jurisprudence fiscale. Il arrive en effet que le redevable entende l’exercer pour l’ensemble de l’année en cours, avec effet rétroactif au 1er janvier, lorsque cela fait apparaître un crédit de taxe à son bénéfice. C’était précisément le cas dans l’affaire qui a donné lieu à la décision rendue par le Conseil d’Etat le 21 décembre 2023 : l’activité de location n’avait débuté effectivement qu’au 1er janvier 2017 mais, lors de l’exercice de l’option le 15 décembre précédent, l’entreprise avait souhaité opter au titre de l’année 2016 afin de déduire la taxe afférente aux dépenses exposées durant cette année.

Il fait en effet application des dispositions réglementaires de l’article 194 de l’annexe II au CGI, selon lesquelles l’option « prend effet à compter du premier jour du mois au cours duquel elle est formulée auprès du service des impôts ». La décision apporte toutefois une précision supplémentaire en indiquant que « la validité d’une option formulée par le propriétaire de locaux qu’il destine à la location n’est assurée, et que, par suite, cette option ne peut emporter d’effets qu’à compter du premier jour du mois au cours duquel l’option est formulée ou, si elle est postérieure, de la date à laquelle sont souscrits, aux fins de location, immédiate ou future, de ces locaux, des engagements contractuels de nature à établir la conformité de l’opération aux prévisions [du CGI] ».

Pour ce motif, il confirme en l’espèce le redressement de la société redevable, et infirme l’arrêt de la cour administrative d’appel qui, pour admettre la déduction de la taxe grevant des dépenses réalisées avant l’exercice de l’option, avait accepté de tenir compte de la clause d’effet rétroactif au 1er janvier 2016 prévue dans le cadre de l’option, exercée le 15 décembre suivant.

Il juge en effet que l’option exercée était en tout état de cause insusceptible de produire des effets antérieurement au 1er décembre 2016, et que la cour aurait dû en outre rechercher à quelle date avaient été souscrits les engagements contractuels en vertu desquels elle a débuté son activité de location.

Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.

Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.

(…)

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société François Perrino Holding a, par un courrier du 15 décembre 2016, informé le service des impôts des entreprises d’Ajaccio (Corse-du-Sud) de ce qu’elle entendait opter  » avec effet rétroactif au 1er janvier 2016  » pour la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée de ses opérations au titre d’une activité de location de locaux nus qu’elle entendait exercer et que cette activité a effectivement débuté le 1er janvier 2017. A la suite d’une vérification de sa comptabilité, l’administration fiscale a remis en cause le remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle avait procédé, dont la société s’estimait titulaire à raison de la taxe ayant grevé les dépenses qu’elle avait exposées, antérieurement à la date de l’exercice de l’option, pour les besoins de l’activité de location qu’elle entendait exercer. Après avoir vainement réclamé, la société François Perrino Holding a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés en conséquence au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016. Par un jugement du 15 avril 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 10 mars 2023 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a fait droit à l’appel formé par la société contre ce jugement.

2. Aux termes de l’article 261 D du code général des impôts :  » Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / (…) 2° Les locations de terrains non aménagés et de locaux nus, (…) « . Aux termes de l’article 260 du même code :  » Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : / (…) 2° Les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l’activité d’un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou, si le bail est conclu à compter du 1er janvier 1991, pour les besoins de l’activité d’un preneur non assujetti. / L’option ne peut pas être exercée : / (…) b. Si le preneur est non assujetti, sauf lorsque le bail fait mention de l’option par le bailleur.  » Le troisième alinéa de l’article 194 de l’annexe II à ce code, pris pour l’application de ces dispositions, précise que :  » L’option ou sa dénonciation prend effet à compter du premier jour du mois au cours duquel elle est formulée auprès du service des impôts.  » Il résulte de ces dispositions, prises dans l’exercice de la faculté ouverte aux Etats membres par l’article 137 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée de déterminer les modalités de l’option pour la taxe sur la valeur ajoutée, que la validité d’une option formulée par le propriétaire de locaux qu’il destine à la location n’est assurée, et que, par suite, cette option ne peut emporter d’effets qu’à compter du premier jour du mois au cours duquel l’option est formulée ou, si elle est postérieure, de la date à laquelle sont souscrits, aux fins de location, immédiate ou future, de ces locaux, des engagements contractuels de nature à établir la conformité de l’opération aux prévisions ci-dessus rappelées.

3. Pour faire droit aux conclusions de la société François Perrino Holding tendant à la décharge des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée procédant de la remise en cause de l’exercice d’un droit à déduction au titre de la taxe grevant des dépenses exposées antérieurement à la date à laquelle elle avait formulé l’option, la cour s’est fondée sur ce que la société avait clairement manifesté son intention de conférer à cette option, exercée le 15 décembre 2016, un effet rétroactif au 1er janvier de la même année, ce dont elle a déduit que, peu important le temps écoulé entre l’engagement des dépenses en amont et le début effectif de l’activité en cause, intervenu le 1er janvier 2017, la société était fondée à solliciter le bénéfice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses. En statuant ainsi, sans rechercher à quelle date avaient été souscrits les engagements contractuels en vertu desquels elle a débuté son activité, le 1er janvier 2017, et alors que l’option exercée était en tout état de cause insusceptible, en vertu des règles rappelées au point 2, de produire des effets, au titre de l’exercice par la société de son droit à déduction, antérieurement au 1er décembre 2016, la cour a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen de son pourvoi, que le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander, pour ce motif, l’annulation de l’arrêt qu’il attaque.

 (…)

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