Une société membre d’un groupe fiscal intégré a vu son bénéfice rehaussé dans le cadre d’un contrôle fiscal, et les sommes correspondantes ont été regardées comme des revenus distribués en application des dispositions du 1° du 1 de l’article 109 du CGI, dont la société mère avait été désignée comme la bénéficiaire par la filiale à la suite d’une demande formée par l’administration sur le fondement de l’article 117 du même code. La société mère a cependant réclamé la neutralisation des sommes ainsi réintégrées dans son résultat fiscal, pour le calcul du résultat d’ensemble du groupe fiscal intégré, ce que l’administration lui a refusé.
Cette décision du Conseil d’Etat présente un double intérêt :
– en premier lieu, elle rappelle le principe selon lequel l’appartenance à un groupe fiscalement intégré ne dispense pas chacune des sociétés du groupe de déterminer son propre résultat selon les règles de droit commun, hormis le cas des exceptions à cette règle expressément prévues par ce régime dérogatoire. Il en va ainsi des subventions et des abandons de créances qui doivent être déclarées par les sociétés qui les consentent ou qui en ont bénéficié. La neutralisation de ces subventions ou abandons de créances n’intervient que dans un second temps, lors de la détermination du résultat d’ensemble du groupe fiscalement intégré ;
– en second lieu, la décision valide le raisonnement suivi par l’arrêt d’appel qui a jugé que la seule circonstance que la filiale a désigné sa société mère comme bénéficiaire des sommes regardées comme des revenus distribués au sens du 1° du 1 de l’article 109 du CGI ne suffit pas à considérer que la filiale comme a procédé au versement effectif d’une quelconque somme au bénéfice de sa société mère. Au cas particulier, la cour a estimé que les distributions qui ont été identifiées ne constituaient ni une subvention directe à la société mère, ni une subvention indirecte qui aurait pu être qualifiée d’acte anormal de gestion dès lors qu’elle procède d’un transfert de bénéfice.
En pratique
Dans un groupe fiscalement intégré, il convient de veiller à ce que chacune des sociétés du groupe comptabilise selon les règles de droit commun les abandons de créances ou les subventions éventuellement consenties à d’autres sociétés du groupe, sans procéder à une neutralisation de ces flux, qui n’interviendra que dans un second temps lors de la détermination du résultat d’ensemble du groupe fiscalement intégré.
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Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.
Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.
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3. Aux termes de l’article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : « Une société peut se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l’exercice, directement ou indirectement par l’intermédiaire de sociétés ou d’établissements stables membres du groupe (…) ». Aux termes du premier alinéa de l’article 223 B du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Le résultat d’ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun (…) ». Le sixième alinéa de ce même article, alors applicable, dispose que : « L’abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du groupe (…) n’est pas pris en compte pour la détermination du résultat d’ensemble (…) ».
4. Aux termes de l’article 46 quater-0 ZG de l’annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : « La subvention indirecte mentionnée au sixième alinéa de l’article 223 B et au premier alinéa de l’article 223 R du code général des impôts s’entend des renonciations à recettes qui proviennent des prêts ou d’avances sans intérêt ou à un taux d’intérêt inférieur au taux du marché. Elle s’entend également de la livraison de biens ou de la prestation de services sans contrepartie ou pour un prix inférieur à leur prix de revient ou, s’agissant de biens composant l’actif immobilisé, pour un prix inférieur à leur valeur réelle. / Constituent également une subvention indirecte au sens des articles 223 B et 223 R déjà cités les excédents de charges qui proviennent des emprunts contractés, des avances reçues qui sont assortis d’un taux d’intérêt plus élevé que celui du marché. Il en est de même des achats de biens ou de services pour un prix plus élevé que leur valeur réelle ».
5. L’option pour le régime dit de « l’intégration fiscale » ne dispense pas chacune des sociétés du groupe fiscal intégré de déterminer son résultat dans les conditions de droit commun, ainsi que le prévoit le premier alinéa de l’article 223 B du code général des impôts précité, sous la seule réserve des dérogations expressément autorisées par les dispositions propres à ce régime d’exception. Aucune de ces dispositions n’autorise une société membre du groupe à déclarer selon des règles différentes des règles de droit commun un abandon de créance ou une subvention qu’elle a consentie ou dont elle a bénéficié. La neutralisation d’un tel abandon de créance ou d’une subvention consentie entre sociétés du même groupe est effectuée, conformément aux dispositions du sixième alinéa de ce même article 223 B, pour la détermination du résultat d’ensemble, après l’établissement des résultats individuels des sociétés membres du groupe.
6. La cour a relevé, par une appréciation souveraine des faits non arguée de dénaturation, que les rehaussements de bénéfices de la société B, regardés comme des revenus distribués en application des dispositions du 1° du 1 de l’article 109 du code général des impôts et dont la société [mère] C avait été désignée comme la bénéficiaire par la société B à la suite d’une demande formée par l’administration sur le fondement de l’article 117 du même code, procédaient de la réintégration dans les résultats de la société B de recettes non comptabilisées au titre des exercices clos en 2011 et 2012.
7. Pour juger que les sommes ainsi réintégrées aux résultats de la société C ne pouvaient être neutralisées pour le calcul du résultat d’ensemble du groupe fiscal intégré que cette société formait avec sa filiale, la société B, la cour s’est fondée, en premier lieu, sur ce que la circonstance que la seconde avait désigné la première comme étant la bénéficiaire des revenus réputés distribués en litige ne permettait pas de regarder la filiale comme ayant procédé au versement effectif d’une quelconque somme au bénéfice de sa société mère, de sorte que les distributions ne pouvaient être regardés comme ayant la nature d’une subvention directe consentie par la première à la seconde au sens des dispositions précitées du sixième alinéa de l’article 223 B du code général des impôts. La cour s’est fondée, en second lieu, sur ce que le rehaussement des bénéfices de la société B dont découlent les distributions en litige ne procédait pas de la remise en cause d’une opération constitutive d’un acte anormal de gestion ayant pour effet un transfert de bénéfice à sa mère, ce dont elle a déduit que ces distributions ne pouvaient pas davantage être regardées comme des subventions indirectes au sens des mêmes dispositions. En statuant ainsi, la cour administrative d’appel n’a pas donné aux faits de l’espèce une inexacte qualification juridique. (…)
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