En pratique
Pour démontrer qu’une société est à prépondérance immobilière alors que la valeur comptable de ses actifs immobiliers est minoritaire, le contribuable peut utilement faire valoir que leur valeur vénale réelle s’écarte de la valeur comptable.
Par cette décision, le Conseil d’Etat invalide la position de l’administration fiscale qui, pour apprécier si l’actif d’une société est majoritairement immobilier, avait tenu compte de la valeur comptable des titres qu’elle détenait dans d’autres sociétés à prépondérance immobilière.
En l’espèce, la société avait passé des provisions pour dépréciation de titres de participation dans une filiale, qu’elle avait immédiatement déduites : elle a en effet considéré que cette filiale était une société à prépondérance immobilière, si bien que la dépréciation des titres était exclue du régime des moins-value à long terme. Il faut en effet rappeler que le régime des plus et moins-values à long terme s’applique en principe à de telles provisions pour dépréciation, sauf lorsqu’elles portent sur des titres de société à prépondérance immobilière.
L’administration a toutefois remis en cause cette déduction immédiate en considérant que la filiale ne pouvait être regardée comme à prépondérance immobilière. Elle a en effet constaté que, dans son bilan, ses actifs immobiliers, constitués de parts de SCI, étaient inscrits pour une faible valeur, tandis que d’autres actifs avaient une valeur comptable nettement supérieure.
En réponse, le contribuable avait fait valoir que la valeur comptable des parts de SCI ne reflétait pas leur valeur vénale, très élevée. L’administration, suivie par les juges du fond, a toutefois refusé de tenir compte de la valeur vénale en considérant que la valeur comptable pouvait être opposée au contribuable.
Par l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat invalide ce raisonnement : constatant que la loi (a sexies-0 bis du I de l’article 219 du code général des impôts) mentionne la « valeur réelle » des actifs, il juge qu’il s’agit nécessairement de la valeur vénale, et non de la valeur comptable.
Pour autant, en termes de dialectique de la preuve, il admet que l’administration puisse, dans un premier temps, retenir la valeur comptable des actifs, à condition que le contribuable soit admis à apporter la preuve que leur valeur réelle s’écarte de leur valeur comptable. Il juge ainsi, par un considérant de principe inédit, que « si ces dispositions prévoient que le caractère de société à prépondérance immobilière s’apprécie compte tenu de la valeur réelle des éléments de l’actif, notamment des titres détenus dans d’autres sociétés à prépondérance immobilière non cotées, l’administration fiscale est fondée à retenir la valeur comptable de ces titres en l’absence de toute argumentation du contribuable tendant à démontrer que la valeur réelle des éléments d’actif de la société s’écarte de leur valeur comptable ».
Dans ce contexte, il casse l’arrêt d’appel attaqué par la société : en jugeant qu’il convenait de retenir la valeur comptable des parts de SCI figurant au bilan, alors qu’elle était saisie d’une argumentation de la contribuable qui tendait à démontrer que la valeur réelle de ces titres s’écartait de cette valeur comptable, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité de la société Colombey, l’administration fiscale a remis en cause le caractère déductible de certaines provisions qu’elle avait constituées au titre de ses exercices clos de 2011 à 2014. Des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, assorties de pénalités, ont en conséquence été mises en recouvrement au nom de la société LG Services, en sa qualité de société mère du groupe fiscalement intégré dont la société Colombey était membre, au titre de ces mêmes exercices. Par un arrêt du 27 février 2024, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par la société LG Services contre le jugement du 16 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires ainsi que des pénalités correspondantes. Par une décision du 31 octobre 2024, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux a prononcé l’admission des conclusions du pourvoi de la société LG Services dirigées contre cet arrêt en tant seulement qu’il s’est prononcé sur la remise en cause de la déduction de la provision pour dépréciation des titres de la société GDI constituée par la société Colombey au titre de l’exercice clos en 2013.
2. Aux termes du 5° du 1 de l’article 39 du code général des impôts : » (…) la provision pour dépréciation qui résulte éventuellement de l’estimation du portefeuille est soumise au régime fiscal des moins-values à long terme défini au 2 du I de l’article 39 quindecies « . Toutefois, le a sexies-0 bis du I de l’article 219 du code général des impôts dispose que : » Le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s’appliquer à la plus ou moins-value provenant des cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées réalisées à compter du 26 septembre 2007. Sont considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l’actif est, à la date de la cession de ces titres ou a été à la clôture du dernier exercice précédant cette cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles, des droits portant sur des immeubles, des droits afférents à un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues au 2 de l’article L. 313-7 du code monétaire et financier ou par des titres d’autres sociétés à prépondérance immobilière. Pour l’application de ces dispositions, ne sont pas pris en considération les immeubles ou les droits mentionnés à la phrase précédente lorsque ces biens ou droits sont affectés par l’entreprise à sa propre exploitation industrielle, commerciale ou agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale. / Les provisions pour dépréciation afférentes aux titres exclus du régime des plus et moins-values à long terme en application du premier alinéa cessent d’être soumises à ce même régime (…) « .
3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les provisions pour dépréciation de titres de participation dans une société à prépondérance immobilière non cotée constituées au titre des exercices clos à compter du 26 septembre 2007 sont soustraites au régime du long terme et sont, par suite, déductibles des bénéfices soumis à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun au titre de l’exercice de leur constitution. Si ces dispositions prévoient que le caractère de société à prépondérance immobilière s’apprécie compte tenu de la valeur réelle des éléments de l’actif, notamment des titres détenus dans d’autres sociétés à prépondérance immobilière non cotées, l’administration fiscale est fondée à retenir la valeur comptable de ces titres en l’absence de toute argumentation du contribuable tendant à démontrer que la valeur réelle des éléments d’actif de la société s’écarte de leur valeur comptable.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour réintégrer aux bénéfices de la société Colombey soumis à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun la provision que celle-ci avait constituée au titre de son exercice clos en 2013 pour dépréciation des titres détenus dans la société GDI, l’administration fiscale s’est fondée sur ce que cette dernière n’avait pas le caractère de société à prépondérance immobilière, de sorte que cette provision relevait du régime du long terme. En jugeant qu’il résultait des dispositions citées au point 2 que, pour déterminer si la société GDI revêtait un tel caractère, il convenait de retenir la valeur comptable pour laquelle des titres de la société Les Hérissons, dont il était allégué qu’elle était elle-même à prépondérance immobilière, figuraient à son bilan, alors qu’elle était saisie d’une argumentation de la contribuable qui tendait à démontrer que la valeur réelle de ces titres s’écartait de cette valeur comptable, la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que la société LG Services est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque en tant qu’il s’est prononcé sur la remise en cause de la déduction de la provision pour dépréciation des titres de la société GDI constituée par la société Colombey au titre de l’exercice clos en 2013.
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