En pratique
Dès lors que le reversement d’une TVA facturée à tort ne peut être obtenu, il importe dans tous les cas de régulariser dans les meilleurs délais la situation par l’émission d’une facture rectificative et d’adresser une réclamation à l’administration, qui pourra conduire au remboursement du crédit de TVA correspondant, assorti des intérêts moratoires, calculés à compter de la date de dépôt de la réclamation.
Le litige porté devant le Conseil d’Etat dans cette affaire concernait une société qui, s’étant aperçue qu’elle avait soumis à tort une opération à la TVA, a émis une facture rectificative ne faisant plus mention de la taxe, porté le montant de la taxe initialement facturé à tort sur sa déclaration de TVA du mois suivant et sollicité le remboursement du crédit de taxe correspondant.
L’administration a refusé dans un premier temps d’y faire droit, au motif que le destinataire de la facture avait lui-même engagé un contentieux en vue d’obtenir le remboursement de la taxe qu’il lui a été facturée à tort. Cette société s’étant désisté de son recours, le service des impôts a ensuite accédé à la demande de remboursement de l’émettrice de la facture. Dans un second temps, cette dernière a réclamé le versement d’intérêts moratoires courant à compter de la date de paiement de la TVA, demande qui a été rejetée par l’administration, dont la position a été successivement confirmée par le tribunal administratif puis par la cour administrative d’appel saisie du litige.
On sait qu’aux termes de l’article 283 du CGI, toute personne qui mentionne la TVA sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation, mais cette règle, destinée à éviter les pertes de recettes, n’empêche par l’émetteur de la facture de régulariser la TVA facturée à tort par l’émission d’une nouvelle facture dès lors qu’il est de bonne foi et qu’il a en temps utile pris les dispositions nécessaires pour éviter les pertes de recettes pour le Trésor.
Le Conseil d’Etat juge en l’espèce que cette règle s’applique également lorsque le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont le remboursement est demandé apparaît à la suite de l’émission d’une facture rectificative régularisant une facture initiale qui faisait mention d’une taxe y figurant à tort. Il en va en revanche différemment du crédit de taxe né de la régularisation de la facture, qui constitue une opération distincte pouvant donner lieu à remboursement, assorti le cas échéant d’intérêts moratoires. Toutefois, ces derniers courent non pas à compter de la date à laquelle la TVA facturée à tort a été reversée au Trésor, mais de celle de la réclamation faisant suite à l’émission de la facture rectificative.
(…)1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Serasem a cédé en 2011, pour un montant de près de 15 millions d’euros, des travaux d’études portant sur un patrimoine génétique végétal et versé au Trésor public la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. A la suite d’une vérification de comptabilité de la société cessionnaire, l’administration fiscale, estimant au contraire que cette cession n’était pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, a remis en cause la déductibilité de la taxe par la société vérifiée. La société RAGT Semences, venant aux droits de la société Serasem, a émis alors une facture rectificative ne faisant plus mention de la taxe sur la valeur ajoutée, porté sur sa déclaration de chiffre d’affaires de novembre 2016 le montant de la taxe initialement facturée à tort et sollicité le 21 décembre 2016 le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en résultant. Après le rejet de cette demande de remboursement par l’administration, la société RAGT Semences a émis une seconde facture rectificative se substituant à la première, porté sur sa déclaration de mars 2018 le montant de la taxe facturée à tort et formé, le 20 avril 2018, une nouvelle demande de remboursement d’un crédit de taxe. Ce remboursement lui a été accordé le 7 mai suivant. Par une réclamation du 28 septembre 2018, rejetée le 30 octobre suivant, la société RAGT Semences a sollicité le versement d’intérêts moratoires au titre de ce remboursement. Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 16 mars 2023 par lequel la cour administrative d’appel de Toulouse a rejeté son appel contre un jugement du 15 juin 2020 du tribunal administratif du même lieu rejetant sa demande tendant au versement de ces intérêts moratoires.
2. D’une part, aux termes de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au remboursement de taxe prononcé par l’administration fiscale : « Quand l’Etat est condamné à un dégrèvement d’impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l’administration à la suite d’une réclamation tendant à la réparation d’une erreur commise dans l’assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d’intérêts moratoires dont le taux est celui de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. / (…) ». Il résulte de ces dispositions que les remboursements de taxe sur la valeur ajoutée obtenus par un redevable après le rejet par l’administration d’une réclamation, qui ont le caractère de dégrèvement contentieux de la même nature que celui prononcé par un tribunal, doivent donner lieu au paiement d’intérêts moratoires. Ceux-ci courent, s’agissant de la procédure de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée résultant d’un excédent de taxe déductible sur la taxe collectée, pour laquelle il n’y a pas de paiement antérieur de la part du redevable, à compter de la date de la réclamation qui fait apparaître le crédit remboursable.
3. D’autre part, aux termes du 3 de l’article 283 du code général des impôts : « Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation ». Les règles rappelées au point 2 s’appliquent également lorsque le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont le remboursement est demandé apparaît à la suite de l’émission d’une facture rectificative régularisant une facture initiale qui faisait mention d’une taxe y figurant à tort.
4. En premier lieu, il résulte des dispositions du 3 de l’article 283 du code général des impôts citées au point 3 que la taxe sur la valeur ajoutée facturée par erreur en 2011 par la société Serasem, aux droits de laquelle vient la société RAGT Semences, était légalement due au Trésor tant qu’aucune régularisation n’avait été entreprise. Cette régularisation ayant été entreprise par l’émission d’une facture rectificative ne faisant plus mention de la taxe sur la valeur ajoutée, la cour administrative d’appel en a déduit, sans commettre d’erreur de droit, que le remboursement accordé le 7 mai 2018 portait non sur la taxe collectée et reversée au Trésor à la suite de l’émission de la facture initiale erronée mais sur le crédit de taxe né de sa régularisation et que, par suite, ce remboursement ne pouvait donner lieu au paiement d’intérêts moratoires qu’à compter de la date de la réclamation ayant fait apparaître le crédit remboursable, et non de la date du paiement de la taxe collectée à tort.
5. En second lieu, en déduisant des circonstances énoncées au point 1 que la demande de remboursement formée le 20 avril 2018 par la société RAGT Semences portait sur un crédit de taxe distinct de celui sur lequel portait sa première demande présentée le
21 décembre 2016 et ouvrait, par suite, une instance fiscale distincte de celle qui avait été ouverte précédemment, de sorte que l’administration devait être regardée comme ayant statué sur une nouvelle demande et non comme étant revenue sur sa décision, non contestée, de rejet de la première demande, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ».
(Rejet).
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