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Rémunération de dirigeants mis à disposition par une société mère étrangère

CE, 26 avril 2024, n°458958 : le Conseil d'Etat juge que le remboursement par une société française à sa mère étrangère de la rémunération de ses dirigeants mis à sa disposition ne constitue pas un acte anormal de gestion

Aux termes de l’article 39  du CGI, la déductibilité des charges est subordonnée à la condition que celles-ci soient appuyées de  justifications suffisantes. Il appartient au contribuable, pour l’application de ces dispositions, de justifier tant du montant des charges qu’il entend déduire du bénéfice net que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité (CE 21 mai 2007, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Société Sylvain Joyeux, n° 284719). Par ailleurs, s’agissant de la rémunération versée aux dirigeants, la jurisprudence conditionne leur déductibilité à une approbation par les organes délibérants de la société. Celle-ci est également admise lorsque l’assemblée générale des actionnaires approuve les comptes de l’exercice sur lequel elle est imputée. Dès lors que cette autorisation est acquise, la déduction des sommes correspondantes en tant que charges est justifiée dans son principe, et ne peut être regardée comme un acte anormal de gestion que si elles ont été versées à des fins étrangères à l’intérêt de l’entreprise ou que leur montant est excessif.

Dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat, les dirigeants de la société française n’ont pas été directement rémunérés par elle, mais par la société mère étrangère, qui a refacturé à sa filiale les sommes correspondantes. L’administration fiscale a estimé que cette pratique relevait d’une gestion anormale, et a en conséquence rejeté la déductibilité de ces sommes au niveau de la filiale. La société n’a pas eu gain de cause devant le tribunal administratif de Paris qui a confirmé le redressement, mais la CAA de Paris lui a donné raison et en a prononcé la décharge. L’administration fiscale s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat, qui a confirmé l’arrêt d’appel. La décision rendue dans cette affaire relève que les salariés de la société étrangère successivement détachés pour diriger la filiale ont exclusivement exercé leur activité au profit de celle-ci et assuré l’ensemble des fonctions dévolues à un dirigeant. Le Conseil d’Etat en déduit qu’un tel schéma ne relevait pas d’un acte anormal de gestion, quand bien même la rémunération du président n’a pas été formellement autorisée par les associés lors de sa nomination, dès lors que les comptes des exercices en litige ont bien été approuvés par l’assemblée générale des actionnaires.

Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.

Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.

(…) 2. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l’entreprise, à l’exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

3. Il appartient au contribuable, pour l’application des dispositions de l’article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu’il entend déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Il apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée. Dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

4. En vertu de ces principes, lorsqu’une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n’est pas contestée par l’administration, celle-ci peut demander à l’entreprise qu’elle lui fournisse tous éléments d’information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l’entreprise n’aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d’explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l’administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l’impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l’administration.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d’une part, que l’article 16 des statuts de la société K stipule que « (…) Le président est désigné par décision de la société SC. (…) » et que « La rémunération du président est fixée chaque année par décision de la société SC ». Il en résulte, d’autre part, que la société K a conclu avec la société SC, son associé majoritaire, une convention prévoyant la mise à disposition par celle-ci de l’un de ses employés pour exercer les fonctions de président et mettant à la charge de la société K le remboursement à la société SC de la rémunération de l’intéressé ainsi que de ses avantages en nature.6. Après avoir relevé, par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation, d’une part, qu’il était constant que les salariés de la société SC successivement détachés auprès de la société K au cours des deux exercices en litige avaient exclusivement exercé leur activité auprès de celle-ci et avaient effectivement assuré sa direction et l’ensemble des fonctions qui leur étaient dévolues en qualité de président de cette dernière, conformément à la convention conclue entre les deux sociétés, et que, d’autre part, l’administration n’avait jamais regardé comme excessives, au regard de cette activité, les sommes remboursées au vu des factures émises par la société SC en exécution de cette convention, la cour administrative d’appel a pu, sans entacher son arrêt d’erreur de droit ni d’erreur de qualification juridique des faits, juger que les charges ainsi exposées par la société K ne procédaient pas d’un acte anormal de gestion. La cour n’a pas davantage entaché son arrêt d’erreur de droit en écartant comme dépourvue d’incidence à cet égard la circonstance que la rémunération servie par la société SC à ceux de ses salariés ayant successivement été mis à la disposition de la société K et que celle-ci lui remboursait en exécution de la convention susmentionnée n’avait pas été approuvée par l’assemblée générale de ses actionnaires, que ses statuts, dont elle n’a pas dénaturé les stipulations, prévoyaient à leur article 19 que ses associés fixaient la rémunération de son président et que le procès-verbal de cette même assemblée générale du 27 mars 2013 excluait toute rémunération directe par K de son président et ne prévoyait que le remboursement à celui-ci des frais exposés à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.(…) ». Rejet.











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