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Dividendes des fonds de pension non-résidents : précisions attendues de la CJUE

Dans des conclusions publiées le 21 mars 2024, l’avocat général à la CJUE Anthony Collins propose de préciser les critères de comparabilité entre fonds de pension résidents et non-résidents, qui permettent de savoir si un traitement fiscal différent des dividendes qu’ils perçoivent est admis au regard de la libre circulation des capitaux.

La CJUE a déjà eu l’occasion de juger que les différences de traitement en matière de fiscalité des dividendes doivent, pour être compatibles avec la libre circulation des capitaux, s’appliquer à des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général (cf. notamment 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC e.a., C‑338/11 à C‑347/11).

Dans une affaire Keva, référencée C-39/23, la Cour suprême administrative de Suède, saisie d’un litige portant sur la retenue à la source perçue sur les dividendes d’un fonds de pension finlandais, qui se prévalait de l’exonération des dividendes des fonds de pension publics suédois, a interrogé la CJUE à titre préjudiciel afin qu’elle précise les modalités d’appréciation de ces conditions.

Dans ces conditions publiées le 21 mars, l’avocat général Anthony Collins propose une lecture stricte des conditions de comparabilité et de justification par une raison impérieuse d’intérêt général.

S’agissant de la comparabilité, il rappelle que la Cour a déjà jugé qu’elle doit être examinée en tenant compte « de l’objectif, de l’objet et du contenu des dispositions nationales examinées » (cf. en dernier lieu 13 novembre 2019, College Pension Plan of British Columbia, C‑641/17, point 65).

Il propose à la Cour d’aller plus loin en apportant des précisions inédites : il considère ainsi (point 29 des conclusions) que l’appréciation globale de la comparabilité objective entre fonds de pension résidents et non-résidents exige de « tenir compte de leur objectif, de leurs fonctions et de leurs tâches essentielles respectifs, ainsi que des cadres réglementaires dans lesquels ils opèrent et des caractéristiques principales de leur organisation ». Il ajoute « que les questions accessoires, y compris les différences de nature purement technique, ne sont pas déterminantes aux fins de cette appréciation ».

En particulier, cela signifie, selon lui, que le fait que les fonds de pension non‑résidents n’ont, par hypothèse, pas pour finalité de promouvoir la viabilité du système de sécurité sociale de l’Etat de la source (en l’espèce suédois) n’est pas suffisant pour conclure à l’absence de comparabilité : en effet, « étant donné que, par définition, chaque fonds a pour objectif de protéger la stabilité et la viabilité d’un système de pension national distinct, une telle approche rendrait impossible la comparaison transfrontalière des fonds de pension, même identiques » (paragraphe 30).

S’agissant de la justification par un motif d’intérêt général, tout en constatant que l’exonération des fonds de pension publics résident en Suède poursuit en l’espèce un objectif de simplification, il considère que la simplification administrative ne constitue pas une raison impérieuse d’intérêt général (paragraphe 40). Au total, il conclut que les justifications qui ont été invoquées par le gouvernement suédois ne semblent pas constituer des raisons impérieuses d’intérêt général.

Il est probable que cet arrêt aura un intérêt plus large sur les critères de comparabilité entre organismes résidents exonérés d’IS et organismes non-résidents soumis à la retenue à la source (au-delà des seuls fonds de pension), dans les contentieux invoquant la libre circulation des capitaux, ainsi que sur les raisons impérieuses d’intérêt général propres à justifier une imposition plus élevée des dividendes versés aux organismes non-résidents. 

Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.

Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.

 

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