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Participation aux résultats : les salariés n’ont pas le droit de contester le bénéfice imposable

Cons. const., 24 janv. 2024, n°2023-1077 QPC, CSE de Procter & Gamble Amiens et a. : le Conseil constitutionnel juge que l’absence de possibilité, pour les salariés, de contester le montant du bénéfice imposable de l’entreprise, qui sert de base à la réserve de participation, ne méconnaît pas le droit au recours.

La participation des salariés aux résultats de l’entreprise, instituée par les articles L. 3321-1 et suivants du code du travail, est calculée sur la base du bénéfice net imposable de l’entreprise : la loi prévoit en effet que les sommes affectées à cette réserve spéciale sont, après clôture des comptes de l’exercice, calculées sur le bénéfice tel qu’il est retenu pour être imposé à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés (art. L. 3324-1 du code du travail).

Les salariés peuvent donc, en pratique, avoir intérêt à contester le montant du bénéfice, en faisant valoir qu’il aurait été minoré par l’entreprise.

Toutefois, la loi exclut que le bénéfice imposable puisse être contesté devant le juge par les salariés : le montant du bénéfice net, établi par une attestation de l’inspecteur des impôts, ne peut « être remis en cause à l’occasion des litiges » relatifs à cette participation (art. L. 3326-1 du code du travail).

En l’espèce, ainsi qu’il ressort de l’arrêt de renvoi de la Cour de cassation, le CSE de Procter & Gamble Amiens, à l’appui de sa contestation, soutenait que les clauses de rémunération des contrats de façonnage et de commissionnaire conclus par les sociétés françaises du groupe avec une filiale suisse permettaient à cette dernière de fixer de manière arbitraire les bénéfices revenant aux sociétés françaises, conduisant à minorer le bénéfice net retenu comme assiette de la participation des salariés.

Le Conseil constitutionnel juge que le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général en évitant que les montants déclarés par l’entreprise et vérifiés par l’administration fiscale, sous le contrôle du juge de l’impôt, puissent être remis en cause, devant le juge de la participation, par des tiers à la procédure d’établissement de l’impôt.

Il vient ainsi confirmer la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle l’exclusion des recours des salariés s’applique même lorsque la cause de la minoration de bénéfice invoquée tient à un abus de droit ou une fraude.

Le Conseil constitutionnel précise toutefois que les salariés disposent de la possibilité d’aviser l’administration fiscale de leurs soupçons, pour faire rectifier le bénéfice dans l’attestation servant de base au calcul de la réserve : il juge que « l’administration fiscale, qui contrôle les déclarations effectuées pour l’établissement des impôts, peut, le cas échéant sur la base de renseignements portés à sa connaissance par un tiers, contester et faire rectifier les montants déclarés par l’entreprise au titre du bénéfice net ou des capitaux propres, notamment en cas de fraude ou d’abus de droit liés à des actes de gestion. Dans ce cas, une attestation rectificative est établie aux fins de procéder à un nouveau calcul du montant de la réserve spéciale de participation ».

Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.

Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.

(…)

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L’article L. 3326-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 mars 2007 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l’entreprise sont établis par une attestation de l’inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes. Ils ne peuvent être remis en cause à l’occasion des litiges nés de l’application du présent titre. « Les contestations relatives au montant des salaires et au calcul de la valeur ajoutée prévus au 4 ° de l’article L. 3324-1 sont réglées par les procédures stipulées par les accords de participation. À défaut, elles relèvent des juridictions compétentes en matière d’impôts directs. Lorsqu’un accord de participation est intervenu, les juridictions ne peuvent être saisies que par les signataires de cet accord. « Tous les autres litiges relatifs à l’application du présent titre sont de la compétence du juge judiciaire ». 2. Les requérants reprochent à ces dispositions, telles qu’interprétées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, de faire obstacle à toute remise en cause des montants figurant sur l’attestation établie par le commissaire aux comptes ou l’inspecteur des impôts, alors que la réserve spéciale de participation des salariés est calculée sur la base de ces montants. Elles priveraient ainsi les salariés de la possibilité de contester le calcul de cette réserve, y compris lorsque la fraude ou l’abus de droit sont invoqués à l’encontre d’actes de gestion. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif.(…)7. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que les montants certifiés par l’attestation ne peuvent être remis en cause dans un litige relatif à la participation quand bien même l’action du demandeur est fondée sur la fraude ou l’abus de droit invoqués à l’encontre des actes de gestion de l’entreprise.8. En premier lieu, cette attestation a pour seul objet de garantir la concordance entre le montant du bénéfice net et des capitaux propres déclarés à l’administration fiscale et celui utilisé par l’entreprise pour le calcul de la réserve spéciale de participation. Ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu éviter que les montants déclarés par l’entreprise et vérifiés par l’administration fiscale, sous le contrôle du juge de l’impôt, puissent être remis en cause, devant le juge de la participation, par des tiers à la procédure d’établissement de l’impôt. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.9. En second lieu, l’administration fiscale, qui contrôle les déclarations effectuées pour l’établissement des impôts, peut, le cas échéant sur la base de renseignements portés à sa connaissance par un tiers, contester et faire rectifier les montants déclarés par l’entreprise au titre du bénéfice net ou des capitaux propres, notamment en cas de fraude ou d’abus de droit liés à des actes de gestion. Dans ce cas, une attestation rectificative est établie aux fins de procéder à un nouveau calcul du montant de la réserve spéciale de participation.10. Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif. Ce grief doit donc être écarté. 11. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :   Article 1er. – La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 3326-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est conforme à la Constitution.   Article 2. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.


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