Depuis ses décisions remarquées du 13 juillet 2021 sur les gains de management package, le Conseil d’Etat juge, dans le prolongement de sa jurisprudence antérieure, que des gains de cession d’actions et de bons de souscription d’actions (BSA) sont susceptibles d’être qualifiés, pour leur soumission à l’impôt sur le revenu, de traitements et salaires, lorsque, eu égard aux conditions de réalisation du gain de cession, ce gain doit être regardé comme acquis, non à raison de la qualité d’investisseur du cédant, mais en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant. Par ailleurs, lorsque les BSA ont été acquis à un prix préférentiel, cette circonstance est de nature à révéler l’existence d’un avantage salarial à concurrence de la différence entre le prix ainsi acquitté et cette valeur.
Il en résulte notamment que les gains de cession de BSA attribués dans le cadre de management packages en contrepartie de fonctions de salarié ou de dirigeant, qui ont été fréquemment logés en plan d’épargne en actions (PEA), ne peuvent bénéficier de l’exonération liée au plan, qui est propre aux plus-values de cession de valeurs mobilières : au contraire, ils sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires.
Une question se posait toutefois dès lors que les contribuables, qui ont regardé ces gains comme des plus-values sur valeurs mobilières, ont pu acquitter les contributions sociales sur les produits de placement (CSG, CRDS et contributions propres aux revenus du capital) : la qualification en traitements et salaires doit-elle conduire à la restitution de ces contributions sociales, au moins à hauteur de la différence de taux entre les contributions sur les revenus du travail et celles sur les revenus du capital ? Rappelons en effet que, du fait de contributions sociales propres aux revenus du capital, ceux-ci sont taxés à un taux plus élevé (l’écart est aujourd’hui de 7,5 points).
Par la décision commentée du 29 novembre 2023, le Conseil d’Etat juge que les dispositions relatives au PEA font obstacle à une telle restitution. Il relève en effet que les gains nets afférents aux retraits partiels de sommes d’un PEA sont soumis aux contributions sociales sur les revenus de placements, « quelle que soit l’origine des sommes retirées » : au sein du PEA, les sommes issues des différents placements sont fongibles, et l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale soumet à la CSG sur les produits de placement l’ensemble des gains de retrait de PEA, au prorata du montant du retrait par rapport à la valeur liquidative du plan.
Il ajoute qu’il en va notamment ainsi lorsque ces sommes proviennent, en tout ou partie, d’un gain de cession regardé comme acquis en contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant du cédant et comme ayant, par suite, la nature de de traitements et salaires. Enfin, il juge que c’est en vain que le contribuable invoque l’autorité de chose jugée par les précédentes décisions concernant l’impôt sur le revenu.
Il en résulte donc une asymétrie entre impôt sur le revenu et contributions sociales, due aux dispositions propres à la taxation des gains réalisés en PEA : même si les gains ont une nature salariale, l’inclusion dans le PEA neutralise cette origine et conduit à leur imposition comme produits de placement.
En pratique
Gains de management package réalisés dans un PEA : double peine s’ils sont qualifiés de traitements et salaire : impôt sur le revenu au taux progressif et impossibilité d’obtenir la restitution des contributions sociales sur les produits de placement qui ont été acquittées. Notons que la décision ne tranche pas la question de la soumission aux prélèvements sociaux des gains de management package qui n’ont pas été réalisés dans un tel plan.
Nota : la loi de finances rectificative pour 2013 (article 13) a supprimé l’éligibilité des BSA au PEA pour l’avenir ; toutefois, la décision commentée conserve une actualité pour les BSA inscrits en PEA avant le 1er janvier 2014, qui sont couverts par une clause de grand père (II de cet article 13).
Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.
Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.
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1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B… a acquis en 2005 des actions et des bons de souscription d’actions (BSA) à l’occasion de la création de la société Kappa 42, constituée en vue du rachat de la société Chaussures Cendry. Ces titres ont été inscrit dans un plan d’épargne en actions ouvert à son nom en 2001. A la suite d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, l’administration fiscale a estimé que le gain retiré par M. B… de la cession des BSA en 2007 avait la nature non d’une plus-value de cession de valeurs mobilières mais de salaires perçus par l’intéressé à raison de ses fonctions de directeur du développement de la société Chaussures Cendry, devant être soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires. Par une décision du 13 juillet 2021, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux a rejeté le pourvoi formé par M. B… contre l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Versailles rejetant, notamment, sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti à ce titre.
2. Il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B… a opéré des retraits partiels sur son plan d’épargne en actions au cours des années 2010 à 2017, qui ont été soumis aux contributions sociales sur les produits de placements. M. B… se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 14 janvier 2022 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel contre le jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces impositions.
3. Aux termes de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale : » I. – Lorsqu’ils sont payés à des personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts, les produits de placements (…) sont assujettis à une contribution à l’exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3 et L. 136-4 du présent code ou des 3° et 4° du II du présent article. / (…) / II. Sont également assujettis à la contribution selon les modalités prévues au premier alinéa du I, pour la part acquise à compter du 1er janvier 1997 (…) : / (…) / 5° Le gain net réalisé ou la rente viagère versée lors d’un retrait de sommes ou valeurs ou de la clôture d’un plan d’épargne en actions défini à l’article 163 quinquies D du code général des impôts dans les conditions ci-après : / (…) / b) En cas de retrait ou de rachat n’entraînant pas la clôture du plan, le gain net afférent à chaque retrait ou rachat est déterminé par différence entre, d’une part, le montant du retrait ou rachat et, d’autre part, une fraction de la valeur liquidative ou de rachat au 1er janvier 1997 augmentée des versements effectués sur le plan depuis cette date et diminuée du montant des sommes déjà retenues à ce titre lors des précédents retraits ou rachats ; cette fraction est égale au rapport du montant du retrait ou rachat effectué à la valeur liquidative totale du plan à la date du retrait ou du rachat ; / (…) « .
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9. Il résulte des dispositions du b du 5° du II de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale cité au point 3, combinées aux dispositions du code général des impôts citées aux points 4 à 8 ci-dessus, que les gains nets afférents aux retraits partiels de sommes d’un plan d’épargne en actions sont soumis aux contributions sociales sur les revenus de placements instituées par ces dispositions, quelle que soit l’origine des sommes retirées. Il en va notamment ainsi lorsque ces sommes proviennent, en tout ou partie, du gain de cession de titres inscrits sur ce plan d’épargne, regardé, eu égard aux conditions dans lesquelles il est intervenu, comme acquis en contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant du cédant et comme ayant, par suite, la nature de de traitements et salaires devant être soumis à l’impôt sur le revenu dans cette catégorie au titre de l’année de la cession en application des articles 79 et 82 du code général des impôts.
10. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit au point 9 ci-dessus que la cour administrative d’appel de Paris a pu juger, sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique des faits, que les gains résultant des retraits effectués par M. B… sur son plan d’épargne en actions devaient être, quelles que soient l’origine et la nature des fonds investis dans le plan, assujetties aux contributions sociales sur les produits de placements, sans qu’ait d’incidence la circonstance qu’une partie des sommes retirées provenait du produit de la cession de valeurs mobilières taxé dans la catégorie des traitements et salaires.
11. En deuxième lieu, s’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour a, à tort, relevé que le produit de la cession des BSA avait été » versé » dans son plan d’épargne en actions, alors qu’ainsi qu’il a été dit au point 1, les BSA étaient inscrits, avant leur cession, au compte de titres de ce plan d’épargne, il résulte de ce qui a été dit au point 10 ci-dessus que cette erreur de fait est sans incidence sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué.
12. En dernier lieu, la décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux du 13 juillet 2021 mentionnée au point 1, qui a statué sur une contestation relative à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles M. B… a été assujetti au titre de l’année 2007 à raison du gain qu’il retiré de la cession des BSA inscrits dans son plan d’épargne en actions, a été rendue dans un litige ayant un objet différent de celui du présent litige. Dès lors, alors même que les contributions sociales contestées sont assises sur des retraits, intervenus entre 2010 et 2017, de sommes ayant notamment pour origine le gain résultant de cette cession, M. B… n’est pas fondé à soutenir que la cour aurait méconnu l’autorité de chose jugée qui s’attache à la décision du 13 juillet 2021.
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