Aller au contenu

Pacte Dutreil – Cas des locations meublées

Amendement du gouvernement adopté par l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du PLF pour 2024

CE 29 septembre 2023 n° 473972 : champ des activités éligibles à l’exonération de droits de mutation à titre gratuit en cas de « pacte Dutreil » – Cas des locations meublées

L’article 787 B du CGI exonère, à concurrence de 75 % de leur valeur, « les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale » transmises par décès ou entre vifs.

Par une instruction publiée le 21 décembre 2021 et modifiant les commentaires administratifs de cette exonération, l’administration fiscale a considéré que les activités de location de locaux meublés à usage d’habitation sont par principe exclus du champ des activités éligibles, dès lors que les activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier, même lorsqu’elles sont commerciales au sens des articles 34 et 35 du CGI, seraient exclues (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40, paragraphe 15).

Le Conseil d’Etat a infirmé cette interprétation de l’article 787 B par une décision du 29 septembre 2023. Statuant sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le refus d’abroger cette instruction, il juge en effet que « le fait de donner habituellement en location des locaux d’habitation garnis de meubles ne saurait être systématiquement regardé, pour l’application de la loi fiscale, comme une activité civile dépourvue de caractère commercial ». Il précise que, si les dispositions législatives relatives à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) prévoient explicitement qu’une activité de gestion de son propre patrimoine immobilier n’est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (art. 966 du CGI), aucune disposition de portée similaire ne s’applique à l’exonération Dutreil.

Cette décision, en retenant que les activités de location meublée ne sauraient être systématiquement regardées comme non-commerciales, admet clairement que, dans certains cas, ces activités sont éligibles à l’exonération. L’instruction fiscale contestée est donc jugée illégale en ce qu’elle exclut l’ensemble des locations meublées de locaux d’habitation du bénéfice de l’exonération.

En revanche, la décision ne lève pas toutes les incertitudes : elle ne va pas jusqu’à préciser les critères permettant de déterminer si une telle activité est éligible. La rapporteure publique, dans ses conclusions, estimait que l’activité de location meublée sera de nature commerciale lorsqu’elle est exercée à titre habituel, transposant ainsi les critères permettant de déterminer si une activité est taxable dans la catégorie des BIC (art. 34 du CGI). Toutefois, le Conseil d’Etat ne reprend pas ce critère à son compte : sans aller jusqu’à juger que le fait de donner habituellement en location des locaux meublés constitue dans tous les cas une activité commerciale, il se borne à considérer qu’une telle activité n’est pas systématiquement exclue.

Il restera donc à déterminer quelles sont les circonstances, autres que le caractère habituel de la location, qui permettent de conclure au caractère commercial de l’activité pour le bénéfice de l’exonération. Il reviendra au juge de l’impôt, qui est ici le juge judiciaire, de poser ces critères dans les litiges individuels qui seront portés devant lui. La jurisprudence de la Cour de cassation, qui par un arrêt récent a reconnu l’éligibilité des activités de location de locaux commerciaux ou industriels équipés au motif qu’elles sont réputées commerciales par l’article 35 du CGI (Cass. com. 1er juin 2023, n° 22-15.152), devra à cet égard être confirmée.

Dans ce contexte d’incertitudes, lorsque la transmission porte sur des parts de société ayant une activité de location meublée, il paraît prudent d’interroger l’administration, par rescrit, sur l’éligibilité à l’exonération.

La solution dégagée par le Conseil d’Etat s’applique tant à la transmission de parts d’entreprise, visée à l’article 787 B du CGI, qu’à la transmission d’entreprises individuelles (art. 787 C du CGI). Elle ne se prononce en revanche que sur la seule location de locaux d’habitation.

Amendement déposé le 17 octobre 2023 dans le cadre de l’examen du PLF pour 2024 :

Le Gouvernement propose de préciser dans la loi que l’exercice par une société d’une activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier ne constitue pas une activité éligible, à la seule exception des activités de holding animatrice. Cette disposition, qui s’appliquerait aux transmissions intervenues à compter du 17 octobre 2023, exclut donc notamment les locations meublées.

En pratique

Vous avez des activités de location de locaux meublés à usage d’habitation : bénéficiez  de l’exonération de 75 % des droits de donation et de succession (régime Dutreil ). Pour les donations effectuées avant le 17 octobre 2023 sous le régime Dutreil, la prudence commande de solliciter un rescrit.

Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.

Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.

Il n'y a pas encore de commentaire.


Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *